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Restauration de la Tour Perret : essais aux limites.

Le projet pilote créé pour ce chantier hors normes permet d’interroger les limites déontologiques et techniques, et ouvre un champ des possibles dans le domaine émergent de la restauration des ouvrages en béton armé.

L'union du béton et de l’acier forme un matériau composite extrêmement efficace et fécond, mais c’est un couple de matières qui fatiguent et s'accusent : tensions, carbonatation et oxydation. Un ouvrage en béton armé est aussi un monolithe dont la structure fait parement et la restauration impose paradoxalement des démolitions partielles ou des interventions irréversibles.

La tranche d'essais du chantier de la restauration de la tour d’Auguste Perret de Grenoble (1925, MH) est la première phase d’un projet pilote qui fait le point sur le rôle de la recherche documentaire, les outils de diagnostics, les matériaux et leurs mises en œuvre. Les choix techniques reposent, sans idéologie ou dogmatisme, sur des méthodes traditionnelles ou des protocoles sourcés, adaptés aux limites des cadres réglementaires et normatifs. C'est un travail de collaboration totale et à pied-d‘œuvre qui trace la voie à un pragmatisme de chantier guidé par la notion de pérennité dans l’œuvre architecturale.

Intervenants :

  • François Botton, architecte du patrimoine en charge du chantier de restauration de la tour Perret de Grenoble. Reconstruire pour conserver, un paradoxe, une perspective.
  • François Goven, architecte, inspecteur général des monuments historiques hon. Béton et monuments historiques, un siècle d’histoire.
  • Elisabeth Marie-Victoire, docteur-ingénieure en sciences des matériaux, directrice du pôle béton du LRMH. La restauration de la tour Perret : un vivier d’expérimentations.

La conférence débat sera présidée et animée par Christiane Schmuckle Mollard, architecte en chef des monuments historiques hon., présidente de l’Association Auguste Perret et spécialiste de l’architecture du XXe siècle.


Conseil scientifique de l’évènement :

Cédric Avenier, Dr Histoire de l’art / Architecture, Chercheur Labex AE&CC ENSAG-UGA, Expert ICOMOS France. Membre du Comité scientifique de la restauration de la tour Perret.

Isabelle Palmi, Directrice d'ICOMOS France.

Isabelle Berruyer, Architecte, responsable pédagogie du CAUE de l’Isère.


Résumé des interventions

Intervention de François Botton : Reconstruire pour conserver, un paradoxe, une perspective.
Conserver les œuvres du XXe siècle, construites en béton armé est un choix porteur de sens culturel, économique et social. C’est aussi un défi. Les méthodes de conservation de la matière sont fréquement et artificiellement opposées au renouvellement traditionnel de la matière, fusse ce dernier réalisé «à l’identique». Ces deux pratiques concurrentes peuvent et doivent coexister. Elles sont appelées à connaitre des évolutions dans leur modalités afin de répondre à un niveau grandissant d’exigence. Le constat s’impose de l’obsolescence des premières (anodes sacrificielles, réalcalinisation). Les secondes se contentent souvent de n’être qu’approximativement « l’identique ». Enfin, le positionnement des acteurs est souvent teinté d’idéologie : le tout conservation au nom du respect indiscerné de la Charte, versus le tout reconstruit au nom de la garantie décennale. Les exemples abondent d’opérations qui peuvent se révéler des échecs, car la réalité est faite de situations complexes, entre-deux, requérant des approches différenciées et une posture pragmatique plutôt qu’idéologique. La situation est délicate lorsqu’il s’agit de parement ou de questions cosmétiques ; elle devient critique lorsque la structure est en cause. La masse et l’épiderme ne sont-ils pas liés ? Le cas de la tour Perret est emblématique de cette tension entre conservation et renouvellement contrôlé. Nous tentons actuellement d’apporter à cette restauration une méthode plus que des recettes, au bénéfice de la conservation d’un édifice doté de la puissance d’un manifeste, mais aussi d’une extrême fragilité.

Intervention de François Goven : Béton et monuments historiques, un siècle d’histoire.
La communication propose dans un premier temps de revenir sur l’histoire et le rôle du béton dans le service des monuments historiques : son usage dans la restauration après la première guerre mondiale et la reconnaissance patrimoniale de son architecture dès le début de la seconde moitié du XXe siècle. En effet, sans que le béton soit explicitement cité, il se trouve qu’en France, il constitue l’un des fils conducteurs dans la compréhension de l’histoire de ces protections, notamment au travers des architectes dont l’œuvre sera reconnue en priorité, Auguste Perret et Le Corbusier en tête.La deuxième partie abordera plus particulièrement les questions de doctrines de restauration que suscite ce matériau, au travers de quelques exemples anciens comme actuels.

Intervention d’Elisabeth Marie-Victoire : La restauration de la Tour Perret : un vivier d’expérimentations.
La construction de la tour Perret s’inscrit dans la riche histoire du développement de l’industrie cimentière française, dont Grenoble est l’un des berceaux et la tour, l’un des emblèmes. Mais la tour n’échappe pas à la principale pathologie du patrimoine en béton armé qui est la corrosion des armatures et dont le diagnostic comme la restauration sont très complexes. Dans ce contexte, une large expérimentation a été menée à la fois sur les outils de diagnostic et sur les techniques de restauration. Cette tranche expérimentale, exemplaire dans l’approche et les synergies de compétences qui ont été mises en place, aura permis non seulement de mieux définir le protocole de restauration à adopter pour la tour, mais elle aura aussi contribué à une ouverture vers de nouvelles techniques de diagnostic et de restauration pour les bétons anciens. Elle s’inscrit d’ailleurs dans un contexte général d’amélioration de la qualité et de l’intégration des réparations des bétons anciens. Le prochain défi qui devra être relevé sera de suivre la durabilité de la restauration proposée, ce qui constitue en enjeu économique et culturel considérable pour le patrimoine en béton.


A propos des intervenants

Biographie de François Botton : Architecte DPLG (1980) ; Architecte du Patrimoine, Cours de Chaillot (1987) ; Architecte en chef des monuments historiques (1991-2020) ; ACMH de l’ISERE 1991-1999 ; ACMH des HAUTES ALPES 1991-2001 ; ACMH de la HAUTE-SAVOIE 1996-2001 ; ACMH des BOUCHES-DU-RHONE 1998-2020 ; ACMH pour le Museum d’histoire naturelle de Paris 2010-2020 ; ACMH pour les monuments appartenant à l’Etat du département du RHONE 2013-2020 ; Ancien Président de la Compagnie des Architectes en chef des Monuments Historiques (2 mandats).

Biographie de François Goven : Architecte; Conservateur général du patrimoine ; Exercice libéral, architecte des bâtiments de France, conservateur régional des monuments historiques, sous-directeur des monuments historiques, inspecteur général des monuments historiques ; Rédacteur en chef de la revue Monumental ; Membre du comité des experts de la Fondation Le Corbusier ; Membre ou président de plusieurs comités scientifiques accompagnant des opérations de conservation/restauration, notamment d’édifices du XXè siècle. 

Biographie de Elisabeth Marie-Victoire : Docteur-Ingénieur en sciences des matériaux. Après 3 années de recherches pour le CPP, elle a intégré le LRMH en 1997, au sein du pôle métal, puis du pôle béton qu’elle a créé et qu’elle dirige depuis 2004. Elle y assure des missions d’expertise dans le cadre du contrôle scientifique et technique de l’Etat, de recherche et d’enseignement. Ses thématiques de recherche portent sur l’identification des ciments anciens, le diagnostic de la corrosion dans les bétons, et les traitements de restauration/conservation des bétons anciens. Elle a intégré l’USR-3224 du CNRS en 2012. Elle est membre des comités scientifiques des conférences Technoheritage, Concrete Solutions et de la RILEM week 2021. Elle est membre de la commission Corrosion des aciers dans les bétons du CEFRACOR, membre expert du comité ICOMOS XXe siècle et a contribué à la mise en place de du label Qualibat pour la restauration du patrimoine en béton.

Christiane Schmuckle-Mollard :  Architecte et urbaniste depuis 1977, Architecte en chef des Monuments Historiques depuis 1982, membre du conseil de l’Académie d’Architecture à partir de 1993 et membre du conseil d’ICOMOS France à partir de 1996. Spécialiste du patrimoine historique, elle a été vice-présidente du secrétariat international d’ICOMOS. Elle est experte auprès de l’ICOMOS et de l’UNESCO pour des missions d'évaluation des sites du patrimoine mondial. Architecte en chef de la cathédrale de Strasbourg et architecte de la Fondation de l’Œuvre Notre-Dame de 1999 à 2012, elle œuvra à la restauration et à la mise en valeur d’édifices inscrits au patrimoine mondial.  En sa qualité de spécialiste de l’architecture du 20e siècle, Christiane Schmuckle-Mollard expertisa plusieurs œuvres et sites emblématiques de l’architecture en béton à travers l’Europe et restaura de 2010 à 2013 le groupe scolaire Karl-Marx d’André Lurçat à Villejuif. Elle dirigea le groupe ICOMOS France 20e siècle, section nationale du comité ISC20C jusqu’en 2020. Le prix World Monuments Fund Knoll Modernism 2019 a été remis à l’Agence Schmuckle Mollard pour la restauration du collège Karl Marx à Villejuif. Membre de l’association Auguste Perret depuis 1999, elle préside l’association depuis 2019.


Bibliographie relative au sujet et aux intervenants :

  • « Restaurer les bétons, la masse et l'épiderme », actes du colloque de Grenoble 22 et 23 novembre 2017, in Bétons, Les Cahiers d'ICOMOS France, n°29, 2018. 181 p., ill.
  • AVENIER, C., L’ordre du béton. La tour Perret de Grenoble, CRAterre, Grenoble, 2013, 48 p., 
  • BOTTON, F., « La restauration de l’Unité d’habitation de Marseille », in Monumental, Paris, Editions du patrimoine, semestriel 1, juin 2006, pp. 64-69.
  • BOTTON, F., "Unité d’habitation, Marseille, France, 1958 », in Croft. C., Macdonald, S. and Ostergren G.,ss. dir., Concrete: Case Studies in Conservation Practice, Getty Conservation Institute , 2019, pp. 113-125.
  • GOVEN F., « Béton et Monuments historiques, une histoire parallèle », in Monumental n°16, Paris, Editions du patrimoine, 1997, pp.21-27
  • MARIE-VICTOIRE, É., BOUICHOU, M., CONGAR, T., BLANCHARD, R., « Concrete cultural heritage in France: Inventory and state of conservation », in Concrete repair, rehabilitation and retrofitting IV: Proceedings of the 4th international conference on concrete repair, Rehabilitation and Retrofitting (ICCRRR-4), 5-7 October 2015, Leipzig, Germany, London: Taylor and Francis, pp. 343-350. 
  • MARIE-VICTOIRE, É., « Historic concrete and carbonation: Diagnosis and conservation challenges” in Rethinking Concrete: Material Conventions in the Anthropocene, Princeton University, 2020 October 22-23, Actes du colloque. 


Organisation de la conférence débat : Ville de Grenoble - Direction de l'Urbanisme et de l'Aménagement, en partenariat avec le Labex AE&CC de l’Ecole nationale supérieure d’architecture de Grenoble-UGA et le CAUE de l’Isère.

 

              

 

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Durée90 mins
RediffusionIndisponible
Date12/10/2021
Nombre d'inscrits22 inscrits
Note du webinar4.3 (3 avis)
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